29 août 2011

A Tribute To Steven

D'après le dictionnaire Larousse, un hommage est un "don qui exprime le respect, l'admiration, la reconnaissance de quelqu'un, une marque de respect." Récemment, on a parlé d'hommage pour parler de SUPER 8, le dernier film de JJ Abrams. Le génial créateur de Lost et de Fringe aurait voulu exprimer sa reconnaissance à Steven Spielberg et en particulier son cinéma de la fin des années 70 et début des années 80 : RENCONTRE DU TROISIEME TYPE, E.T., LES GOONIES (dont il était seulement le producteur et le scénariste) etc. C'était partout : des affiches étrangement ressemblantes aux citations bien en évidence, tout le marketing est orienté vers la filiation entre SUPER 8 et ces glorieux modèles qui vous ont fait frissonner, pleurer et glousser d'excitation étant enfant.

Et à priori, ça semble plus que normal.. Spielberg adoube le projet en étant crédité à la production et des pans entiers d'intrigue empruntent aux films précédemment cités : le groupe d'enfants confrontés à une aventure fantastique, un extra-terrestre dont les émotions font écho à celles du jeune héros, des méchants scientifiques et militaires, la petite ville de classe moyenne comme décor et, enfin, le déplacement temporel à la fin des années 70. Sur le papier, SUPER 8 sent autant le Spielberg des années 80 que la sueur sous des dessous-de-bras.

Puis tout le monde a été voir le film.

Tout le monde a constaté que, oui, il y a un groupe d'enfants, oui, il y a un extra-terrestre, oui, il y a des méchants scientifiques et militaires, oui, il y a une ville de classe moyenne à la fin des années 70 comme décor. Est-ce que cela en fait un hommage pour autant ? Il paraît que oui. C'est le service marketing de Paramount qui l'a dit. Et tout le monde est rentré dans la panneau - la tête la première. Moi y compris. Durant toute la durée de SUPER 8, de la première à la dernière seconde, j'ai cherché la sensation que m'avait autrefois procuré ces fameux films, tous brandés Amblin. C'était ce qu'on m'avait vendu et, en bon adepte de la consommation de masse, j'y ai cru et ai donc répondu présent. Normal. La nostalgie est un moteur commercial très puissant quand elle est convoquée avec talent.

Vous vous rappelez sûrement de tous ces insolents déclamant leur haine après les séances du NOUVEAU MONDE de Terrence Malick, persuadés qu'ils étaient d'aller voir un film d'aventure à grande échelle, genre POCAHONTAS rencontre LE DERNIER DES MOHICANS. Et ceux qui ont été voir LE GUERRIER SILENCIEUX de Nicolas Winding Refn croyant à GLADIATOR version BRAVEHEART. Et bien, c'est à peu près ce genre de sensation qui m'assaye aujourd'hui quand je pense à SUPER 8. J'allais voir E.T. au pays des GOONIES et je vois CLOVERFIELD en mode couche-culotte.

Première règle du manuel de Don Draper à l'attention des petits branleurs aux dents longues du marketing : trouver un angle de communication et le message adapté. Deuxième règle : ne pas parler plus que nécessaire. Message bien reçu par les gens de la Paramount qui auraient sûrement eu droit à un dîner au Lutece. Don aurait été fier. Voici le compte rendu de la réunion de briefing :

- Don a dit : "premièrement, trouver un angle". Des suggestions ?
- Si on faisait : "quand LES GOONIES rencontrent E.T." On a tous les ingrédients pour ça : des gosses, une aventure, un extra-terrestre...
- Parfait ! De cette façon, on touche les trentenaires nostalgiques et les enfants qui aiment bien voir leur congénère sur grand écran.
- Maintenant, Don a dit : "Deuxièmement, ne pas parler plus que nécessaire"
- (SPOILER) Ca se serait bien d'éviter de dire que E.T. y bouffe des humains après les avoir stockés dans une cave et que LES GOONIES y ont quelques tendances dépressives - rapport à une mère décédée et à un père alcoolique."
- C'est clair ! Ca casserait le mythe... T'imagines si Sinoque avait tué Choco ? J'aurais fini en HP à l'heure qu'il est...(FIN SPOILER)

Je ne remets pas en cause les qualités cinématographiques de SUPER 8. Mais si c'est un hommage, il est raté. Imaginons qu'on veuille vous rendre hommage, préfériez-vous qu'on érige une statut de vous ou qu'on écrive un discours sur vous, sur ce que vous étiez à l'intérieur ? Perso, la seconde. Sans hésiter. C'est pareil pour SUPER 8. Est-ce qu'un hommage est suffisant avec seulement des références et des bouts d'intrigue en commun ? Je ne crois pas. Car il manque au film de JJ Abrams l'essentiel pour que la filiation aille au-delà du simple gimmick marketing : la naïveté. De RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE au GOONIES, tous ces films étaient d'une naïveté désarmante et c'était la raison de leur succès et la raison pour laquelle vous vous en souvenez encore aujourd'hui avec une larme au coin de l'oeil : ces films étaient réalisés à hauteur d'enfants, bannissant totalement les préoccupations n'appartenant qu'aux adultes : la violence du monde y est superficielle, naïve (les Aliens pacifiques et gentils, les Goonies qui vont perdre leur maison, par exemple) et les solutions sont simples et déconnectées d'une réalité qui pourrait être plus brutale (partons à la recherche d'un trésor de pirates). La volonté de Spielberg, en 2002, de remplacer numériquement les flingues par des talkie-walkie dans E.T. partait d'ailleurs de ce postulat à l'origine - même s'il a reconnu avoir eu tort. Cette naïveté était l'empreinte de Spielberg sur le cinéma au début des années 80. C'était d'ailleurs le principal reproche qu'on lui adressait à l'époque.

Mais cette naïveté n'existe plus aujourd'hui. Comme Jonathan me disait très justement, un gosse du 21e siècle, s'il est confronté à des aliens, il ne se comportera pas comme les gosses de E.T. ou de EXPLORERS mais comme ceux de ATTACK THE BLOCK, à coup de batte de base-ball. C'est pourquoi, finalement, il me semble qu'il était illusoire d'attendre de SUPER 8 qu'il retrouve ce ton si particulier. Les gosses d'aujourd'hui veulent du sang ! Ils en ont trop vu pour revenir au modèle d'autrefois. Idem pour les trentenaires : sur le papier, avec leur esprit bloubiboulga, tous y allaient, persuadé de retrouver les sensations de leur enfance. Je veux bien croire que certains, se contentant de peu, y soient arrivés. Je ne fais pas partie de ceux-là. Mais une chose est sûre : un retour à la naïveté des GOONIES et de E.T. aurait condamné SUPER 8 à n'être "qu'un film pour enfants" - avec tout ce que ça comporte de préjugés et de péjoratif. Voyez la saga HARRY POTTER : les deux premiers volets sont des exemples parfaits du film naïf et un peu niais destiné avant tout aux enfants. D'ailleurs, Spielberg fut longtemps considéré pour tenir le poste de réalisateur. Mais les adultes les détestent. Au contraire, dès le troisième volet, les aventures du petit sorcier se complexifient, deviennent plus réalistes et plus noirs. Résultat : le public adulte aime (plus). C'est logique et normal. Le cerveau, l'expérience, les émotions ne sont pas les mêmes à 10 ans qu'à 30 (voir la théorie de l'évolution cinéphile).

Régulièrement, à mesure que les années passent, que la nostalgie apparaît de plus en plus comme le plus confortable refuge à sa mélancolie, il est agréable de se laisser aller à penser que les années de son enfance sont les meilleures. C'est une des raisons - avec le manque d'imagination et la peur du risque - qui explique le déferlement de remake et reboot de films des années 80. Mais quoi qu'il arrive, nous ne verrons plus jamais de films "comme dans les années 80". On veut le croire mais c'est impossible. EASY A, par exemple, veut retrouver le charme des teen-movies de John Hughes mais ça ne le sera jamais, NOT ANOTHER TEEN MOVIE ou les films de Larry Clarke étant passés par là. De même, quand un film comme I LOVE YOU BETH COOPER (justement réalisé par Chris Columbus, scénariste des GOONIES et réalisateur des deux premiers HARRY POTTER) emprunte un ton vraiment très old school (rappelant UNE CREATURE DE REVE ou ADVENTURES IN BABY-SITTING, également réalisé par Chris Columbus), il se plante, le public de 2010 ne comprenant pas le rythme si particulier d'un film fait "à la manière de 1985". Quant aux aliens affectueux de COCOON, E.T. ou EXPLORERS qui inondaient les écrans entre 1980 et 1989, ils ont disparu avec la récession et le terrorisme et il n'est pas sûr qu'on les revoit de si tôt. Inutile de vous citer l'intégrale des invasions extra-terrestres qui ont inondés les écrans cette dernière décennie avec succès quand un film comme ALIENS IN THE ATTIC passe totalement inaperçu auprès des plus de 12 ans.

Pour autant, cela n'empêche pas les hommages réussis à ces films des années 80 d'éclore de temps en temps sur les écrans. Des films à la fois dignes, respectueux des références, du ton et de l'émotion du cinéma familial fantastique des années 80 tout en étant résolument modernes et donc commercialement viables, cette dernière décennie en a offert une bonne poignée. Tous sont à la fois naïfs, fun, drôles et parfois même émouvants - quatre conditions essentielles pour pouvoir, selon moi, rivaliser avec les monuments invoqués plus haut. Il y a par exemple les deux NUITS AU MUSEE. Il y a eu ELFE avec Will Ferrell ou encore THE SPIDERWICK CHRONICLES ou ZATHURA, en attendant le prochain REAL STEEL en novembre qui promet beaucoup dans le genre. Steven Spielberg en est le producteur aussi ? Ah tiens...


03 août 2011

Les histoires d'amour peuvent-elles être anti-romantiques ?

Le cinéma hollywoodien aime les histoires d'amour mais il aime surtout les histoires qui se terminent bien. Et si seulement elles devaient mal se finir, ce serait par la seule force du destin. Voyez TITANIC, LOVE STORY, LE PATIENT ANGLAIS, THE NOTEBOOK et pas mal d'autres. C'est ce genre d'histoires qui a forgé le coeur d'artichauts de millions d'individus, mâles et femelles, à travers le monde - le mien en premier. A défaut de s'identifier, on rêve, on idéalise, on se dit que l'Amour est indestructible, que la maladie, la mort, la guerre ne viendront jamais à bout de cet amour éternel. A 15 ans, on veut tous croire à cela - parce que ces films (et pas mal de chansons pop) nous éduquent à ça. Sournois, ils font pénétrer dans le cerveau encore trés malléable de jeunes adolescents l'idée que la vie ressemble à une chanson des Bangles, qu'il est impensable de ne pas trouver un jour celui ou celle qui nous chuchotera des mots doux jusqu'à ce que la mort nous sépare - voire plus pour les plus mystiques.

J'en suis encore là. Tous les jours depuis plus de 15 ans, je me bats avec l'empreinte qu'ont laissé ces films sur mon cerveau. C'est souvent très déprimant et, comme une évolution naturelle à un carnet intime, me pousse à écrire des billets un peu pathétique sur ce blog. Inconsciemment ou non, j'ai jamais pu (voulu) me débarrasser de cette empreinte et ça me gâche (un peu) la vie. Parce que j'ai grandi. Parce que j'ai plus d'expérience. Et aussi parce que mes goûts en cinéma ont évolué.

Comme déjà écrit dans la théorie de l'évolution cinéphile, avec l'âge, on se lasse un peu des violons et des grands sentiments éternels pour plus de réalisme. Je devrais même dire de "réalité". Et c'est dans le cinéma indépendant qu'on la trouve majoritairement. Ces dernières années, après ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND qui a (un peu) ouvert la voie, il y a eu par exemple 500 DAYS OF SUMMER et BLUE VALENTINE. On vous y raconte la rencontre, l'amour passion, comme dans n'importe quel film hollywoodien mais avec plus d'appartements crades et moins de violons, mais aussi (et surtout) la rupture, le divorce, la fin de l'amour. Bientôt, ce sera au tour de LIKE CRAZY qui semble avoir ravagé les coeurs des spectateurs à Sundance avec son histoire d'amour longue distance qui (visiblement) se termine mal.

Sur Facebook, Twitter et autres blogs, on dit que ce sont des films "anti-romantiques", des films qui "tuent l'amour", qui "ne donne pas envie d'être amoureux", de films qui "font plus de mal que de bien". Ca, c'est sûr, c'est pas TWILIGHT ! Et c'est clair aussi que je me suis pris un gros coup de déprime derrière la nuque après mes deux fois au cinéma de 500 DAYS OF SUMMER. Ayant été élevé au lait de NUITS BLANCHES A SEATTLE et JERRY MAGUIRE, la morale du type "l'amour n'est en fait qu'une suite d'échecs" ne fait pas super plaisir à entendre. Mais ces films sont-ils pour autant "anti-romantiques" ?

Tout le monde se focalise sur cette morale. Et c'est normal. Le but fondamental de ces films et de leurs auteurs est avant tout de montrer cette partie "difficile", cette rupture, comment elle survient, comment l'amour disparaît d'un côté (ou des deux côtés). C'est LE sujet de ces films. Il est présenté sous la forme de la comédie dramatique, tantôt léger, tantôt lourd dans 500 DAYS OF SUMMER. BLUE VALENTINE l'aborde plus frontalement, plus dans le drame pur, avec ses crises, ses larmes. Aucun ne détient plus la vérité que l'autre. Il y a autant de vérités que d'êtres humains dans ce domaine.

Mais, quand en 1979, KRAMER VS KRAMER ne raconte que le divorce et la rupture, ces films, en 2011, raconte aussi l'avant, la rencontre, la passion, l'épanouissement. C'est leur apport à l'évolution narrative du cinéma, la vraie nouveauté. Et cela a de la valeur sur l'échelle du romantisme cinématographique. Votre coeur n'a-t-il pas fondu lors de l'euphorie musicale de Joseph Gordon-Levitt après sa première nuit d'amour avec Zooey Deschanel ou lors de la sérénade au yukélé entonné par Ryan Gosling pour Michelle Williams ? Le côté obscur et pessimiste de mon cerveau a retenu le déchirement de la fête sur le toit quand Joseph Gordon-Levitt comprend qu'il n'est là qu'en "ami". Il a retenu ce sexe dépassionné et froid d'une nuit d'hôtel presque contrainte entre Gosling et Williams. Mais le côté coloré et optimiste de mon cerveau a retenu autre chose : il a retenu les petits mots et les gestes simples, les regards amoureux et toutes ces autres choses qui ont fait frissonner mon coeur pendant le film et surtout bien longtemps après. Le problème est alors de savoir quel hémisphère a l'ascendant sur l'autre ? J'ai envie de dire : ça dépend des jours...

En revanche, ce qui est vrai tous les jours, c'est qu'une histoire d'amour, une histoire d'amour pure, est romantique, peu importe son issu. Vous remarquerez que Hollywood ne montre que la phase "rencontre" dans ses comédies romantiques... C'est pas par hasard. Qu'est-ce qui advient de la relation entre Meg Ryan et Tom Hanks après l'Empire State Building dans NUITS BLANCHES A SEATTLE ? Et Richard Gere et Julia Roberts dans PRETTY WOMAN ? Une déclaration enflammée ou un mariage somptueux garantit-il forcément de vivre "happily ever after" ? La réalité nous dit que non (50% des mariages dans les grandes villes se terminent en divorce!) et ces films nous disent la même chose. Toutes ces histoires, hollywoodiennes comme indépendantes, heureuses comme tristes, légères comme durs, valent d'être racontées parce que les sentiments, mêmes éphémères, sont réels et beaux.

Là, c'est mon moi de 30 ans qui parle. Mon moi de 15 ans vous dirait sûrement que tout ça est bien pourri et que ces films sont de la connerie en barre. Et c'est bien là le problème : Ryan Gosling et Joseph Gordon Levitt pensaient ça aussi. Ils pensaient que l'amour était éternel et c'est en grande partie à cause de cela que leur relation amoureuse ne l'a pas été. Ils n'étaient pas conscient du "danger" de la passion, de la routine. Ils étaient aveuglés par la beauté de leurs sentiments. Mon moi de 30 ans essaye donc, comme il peut, grâce à ces films, grâce à l'expérience, grâce aux autres, de ne plus être aveuglé, d'être conscient que l'issu n'est pas forcément celle d'un film hollywoodien sur la beauté des sentiments mais peut aussi être celle d'un film indépendant sur leur brutalité. Mon moi de 30 ans essaye pour donner un minimum raison à mon moi de 15 ans... Sinon à quoi bon ?

Mais je crois que tout ça est finalement très bien résumer dans cet extrait de BLUE VALENTINE...