Un baggy jean Karl Kane. Une casquette de base-ball. Des Nike Air Jordan. Un sweat-shirt Tommy Hilfiger. Un polo Ralph Lauren. Un coupe-vent Nautica. C'était peu ou prou mon look entre la fin du collège et la fin du lycée. Ca n'enthousiasmait pas forcément mes parents mais, comme tous les parents d'adolescents, ils étaient bien obligés de s'y faire - même si, dans le genre rebelle attitude, il y a pire. Après tout, mes marques fétiches étaient à peu près toutes celles de la bourgeoisie américaine et se dégotaient pour la plupart dans à peu près tous les Mall américains et dans quelques unes des boutiques les plus chics de Paris (de l'époque).
Rétrospectivement, je pense que je devais être ridicule mais c'est le lot de la mode. C'est comme ça que ça marche et c'est aussi ce qui fait son charme. Mais avec ce look que je voyais directement inspiré des clips qui défilaient dans MTV Raps, je m'exposais à un retour de flammes d'autant plus violent qu'il était issu d'une mouvance qui a été en constante évolution pendant près de 30 ans. Lorsque vous aimez le rock, vos cheveux longs, votre blouson en cuir et votre jean slim pourraient à priori être portés dans les années 70, 80, 90 et encore aujourd'hui. Certes les formes ont un peu changés mais la base est sensiblement la même. Mais moi, mon truc, comme vous l'aviez sûrement deviné, c'était la mode Hip Hop. Et c'était donc pas tous les jours faciles. Heureusement pour moi que je n'ai jamais aimé être pris en photo. Il n'y a pas beaucoup de témoignages de ma crise "vestimentaire" d'adolescence.
Quand on est jeune, qu'on veut s'habiller Hip Hop, vous n'allez pas dans les friperies vous faire votre look à 50 euros. Non. Vous allez dans des boutiques spécialisées tellement rares (surtout en 1995) qu'elles en profitent pour gonfler leur marge de 500%. C'est le prix à payer pour être (un des) seuls à porter le dernier coupe-vent Cybertek (marque morte-née en 1995-1996) après avoir vu un clip des Fugees. Ces putains de rappeurs changent de marques fétiches et de looks tellement souvent que vouloir avoir du style 365 jours par an est à la fois un job à plein temps mais nécessite aussi d'avoir un autre job à plein temps à côté - celui-là pour payer la facture.
Personnellement, cette phase n'a pas duré plus de cinq ans. Mais pour celui qui serait dedans depuis 30 ans, voici à peu près ce par quoi il a du passer. Petit historique du style Hip Hop...
1979-1984 : les débuts
Du premier disque de rap, le fameux Rapper's Delight de Sugarhill Gang, au milieu des années 80, le milieu Hip Hop n'est pas encore considéré comme un mouvement assez "structuré" pour amener avec lui ses propres codes vestimentaires. Le style des rappeurs du moment, de Afrika Bambaataa à Grandmaster Flash, emprunte donc aux autres syles musicaux, celui des stars du funk, de la disco, de la soul et même du rock. Les looks hauts en couleurs de Parliament ou KISS servent ainsi souvent de modèle. Mais le style dépouillé marche aussi à l'image de Kurtis Blow qui, sur la pochette de son premier album éponyme culte, est torse-nu ! Démonstration en vidéo avec Grandmaster Flash en concert au Tube en 1983.
1984-1988 : la nouvelle école
Le mouvement n'est pas encore mainstream mais les premières stars commencent à émerger avec l'arrivée des clips. Run DMC sortent leur premier album en 1984 et amènent avec eux leur marque favorite, à savoir Adidas, qui devient, avec ses modèles à 3 bandes une marque emblématique de toute la nouvelle scène Hip Hop. Comme LL Cool J qui, de son côté, porte exclusivement des survêtements Coq Sportif, ils popularisent également les bonnets et bobs Kangol, une vieille marque anglaise des années 40 qui connut son heure de gloire dans les années 60. Côtés accessoires, les grosses lunettes carrés Cazals ou Gazelles sont légion, tout comme les phat laces qui ornent les sneakers Pro-Keds, un style directement inspirés des break-dancers. Démonstration en vidéo avec le clip de It's Tricky de RUN DMC (1986) et celui de I Need Love de LL Cool J (1987).
1987-1991 : l'âge d'or
A la fin des années 80, avec les 9 millions d'exemplaires écoulés du Licensed To Ill des Beastie Boys, le Hip Hop commence à devenir mainstream et les signes de richesse commencent à apparaître sur le dos des rappers. Alors que les premières filles à se mettre au Hip Hop, comme Salt N Pepa et Roxanne Shanté, revendiquent fièrement leur féminité avec un look ultra sexy et popularisent leurs Door Knockers Earrings, de grosses et lourdes boucles d'oreilles dorées, les hommes, comme Big Daddy Kane, Run DMC et Slick Rick, de leur côté, commencent à se mettre aux chaînes en or, ouvrant la porte à l'ultra-virilité du Hip Hop. Démonstration en vidéo avec le clip de Ain't No Half Steppin' de Big Daddy Kane (1988).
1989-1991 : le retour aux racines
Parallèlement à cette apparition du matérialisme pur et dur dans le mouvement, beaucoup de rappeurs utilisent le Hip Hop pour faire valoir leurs droits et revenir à des thèmes beaucoup plus politisés et sociaux, à l'image de Public Enemy, Queen Latifah, A Tribe Called Quest, KRS-One, X-Clan, De La Soul ou Jungle Brothers. Dans la mouvance du nationalisme noir, ces groupes remettent au goût du jour les couleurs Vertes, Rouges et Noirs, les couleurs historiques du mouvement prônant le retour aux racines africaines (voir les pochettes d'albums All Hail The Queen de Queen Latifah ou The Low End Theory de A Tribe Called Quest, par exemple). Les dreadlocks sont de plus en plus présentes dans les clips tout comme les Blousy Pants, largement popularisés auprès du grand public par MC Hammer, mais aussi tous les symboles égyptiens et les vêtements à motifs Kente. Des marques aux motifs très colorés et purement afro-américaines comme Cross Colours prospèrent. Démonstration en vidéo avec le clip de Funkin Lesson de X-Clan (1990).
1989-1993 : la démocratisation
Sous l'impulsion de rappeurs "grand public" qui déclinent leurs personnalités sur petit (Le Prince de Bel Air) comme sur le grand écran (HOUSE PARTY avec Kid N Play), le style Hip Hop commence à rentrer dans l'inconscient collectif. Nike, en grande partie grâce à Michael Jordan, remplace largement Adidas dans le coeur des B-Boys et la basket (montante) prend le pas sur la tennis (basse). A l'image de la pochette du premier album de TLC ou de l'esthétique du film culte de Spike Lee DO THE RIGHT THING, les couleurs flashy et le look ultra sportswear prédominent. On porte par exemple beaucoup de produits dérivés des équipes de basketball et de baseball comme les chemises jersey ou les blousons Starter des équipes de foot (qui, à cause de leur prix exorbitant, deviennent des denrées très recherchées par les racketteurs). La casquette, même si déjà présente, remplace les bob Kangol et devient vraiment l'accessoire emblématique du rappeur. Mais c'est surtout le baggy jean - propulsé par des designers afro-américains comme Karl Kani - qui fait son apparition. Il est largement popularisé en 1992 par Kris Kross qui ont la savante idée de le porter à l'envers. Démonstration en vidéo avec le clip de What About Your Friends de TLC (1992) et celui de Summertime de DJ Jazzy Jeff & The Fresh Prince (1991)
1991-1995 : la côte est
Mais à force de couleurs de plus en plus flashy et d'exubérances vestimentaires de plus en plus ridicules, le rappeur, au tournant des années 90, est devenu une caricature, un bouffon tout juste bon à amuser l'Amérique profonde en prime-time. En réaction, des rappeurs de la côte est, à la musique beaucoup plus agressive, comme Naughty By Nature, Onyx ou le Wu-Tang Clan adoptent un look à l'opposé total. Le noir, le gris et le marron sont de rigueur. Les vestes et pantalons militaires noirs accompagnés de sweet à capuches et de doudounes très amples font leur apparition - servant souvent de merchandising (les logos Wu-Tang Clan et Naughty by Nature inondent les rues dans la première partie de la décennie 90). Côté chaussures, les grosses boots type Timberland deviennent la norme. Des marques comme Caterpillar ou Carhartt sont également sorties de leur usage traditionnelle de vêtements d'ouvriers de chantiers pour faire leur apparition sur les pochettes de disques et les clips. Démonstration en vidéo avec le clip de CREAM du Wu-Tang Clan (1993) et de Down With King de Run DMC (1993)
1991-1996 : la côte ouest
Mais le look "d'hiver" qu'arborent les rappeurs newyorkais n'est pas très adapté au soleil californien. Pour les B-Boys, dès les premiers rayons de soleil, le look à adopter est celui des stars de Long Beach, Compton et Watts qui envahissent les charts avec leurs son funky. Aux jeans épais et aux grosses boots, des rappeurs comme Eazy-E, Dr Dre, Snoop Dogg ou Warren G leur préfèrent ainsi les chinos beige Dickies portés sur des Converse Chuck Taylor et des chemises à carreaux - sans oublier le bandana (bleu ou rouge) objet fétiche des gangsters Crips et Blood. Démonstration en vidéo avec le clip de What's My Name de Snoop Doggy Dogg (1993) et celui de Real Compton City G's de Eazy-E (1993)
1994-1997 : l'embourgeoisement
En mars 1994, Snoop Doggy Dogg porte une version XXL d'un sweat-shirt Tommy HIlfiger. Deux jours plus tard, les stocks d'une des marques les plus emblématiques de la bourgeoisie américaine sont pris d'assaut dans les grands magasins. Au beau milieu de la décennie 90, les rappeurs, qui s'embourgeoisent, s'approprient toute une série de marques "de prestige" qui jusqu'à présent habillaient les golfeurs, les joueurs de polo, les tennismen ou les plaisanciers - en gros, tous les sports les plus "blancs" du monde. Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, Helly Hansen, Nautica, Donna Karan - et évidemment Lacoste en France - deviennent les marques fétiches des rappeurs qui commencent - sous l'influence certaine d'un certain Puff Daddy - à étaler leur richesse et à se montrer, non plus comme des héros du ghetto mais comme des nouveaux riches. Démonstration en vidéo avec le clip de Loungin de LL Cool J (1996).
1995-2010 : les marques Hip Hop
Après s'être approprié, pendant près de 20 ans, toute une série de marques de sportswear, les rappeurs qui, désormais, dominent les Charts et les playlists des radios du monde entier, se mettent au business et adoptent une stratégie 360° de conquête des marchés. Les rappeurs se font donc les ambassadeurs de marques purement Hip Hop, à l'image de LL Cool J avec FUBU ou Fabolous avec Akademiks. Et c'est juste quand les personnalités du rap game ne sont pas eux-mêmes les créateurs de la marque, comme le Wu-Tang avec Wu-Wear, Puff Daddy avec Sean John, Russell Simmons avec Phat Farm, Damon Dash et Jay-Z avec Rocawear ou 50 Cent avec G-Unit Clothing. Dans la lignée de Karl Kani, de toutes nouvelles marques comme Ecko ou Enyce font également leur apparition avec des looks destinés intégralement aux B-Boys. Démonstration avec un documentaire sur la création de FUBU.
1997-2005 : le bling bling
New York puis Los Angeles ont beau avoir dominé le Hip Hop pendant deux décennies, à partir de la fin des années 90, les choses changent. Le sud émerge et, avec lui, un style nouveau. En vendant 1 million d'exemplaires de son 6e album et 4 millions de son 7e, Master P et ses sbires met la Nouvelle Orléans sur la carte du Hip Hop et remet au goût du jour le rococo. Manteaux de fourrures, costumes larges et bariolés, diamants aux doigts, dans les dents et à peu près partout où votre imagination peut en mettre, le mauvais goût "nouveau riche" est érigé en valeur dominante et des marques de luxe comme Versace ou Gucci deviennent les équipementiers officiels de ces rappeurs aux paroles désormais bien claires "Medallion iced up, Rolex bezelled up. And my pinky ring is platinum plus. Earrings be trillion cut". Et avec la bande de Cash Money (Juvenile, Lil Wayne...) qui prend le relais au tournant du millénaire et popularise le terme "bling bling" suivi de celle de Lil Jon quelques années plus tard, le Hip Hop en prend pour près d'une décennie de style "over the top" façon ghetto moite. Démonstration en vidéo avec le clip de Salt Shaker de Ying Yang Twins (2003) et celui de I Miss My Homies de Master P (1997).
2005-2010 : l'alternative
Mais comme l'économie, tout est une question de cycle. Comme la réaction d'un certain nombre de rappeurs au début des années 90 au look clownesque de MC Hammer ou Vanilla Ice, le milieu de la décennie 2000 marque le retour aux basiques et à un style moins tape à l'oeil. Avec la sortie en 2004 de The College Dropout de Kanye West, le look Hip Hop revient aux jeans slim des débuts de Run DMC et LL Cool J, retrouve les grosses lunettes, les baskets montantes tout en gardant les casquettes colorés et autres diamants du bling bling et en faisant revenir le look preppy du milieu des années 90. Bref, le style Hip Hop se veut "à nouveau" alternatif. Moins refermé sur eux-mêmes, les rappeurs, à l'image de Lil Wayne, Kanye West, Pharell Williams, Kid Cudi, Lupe Fiasco, fréquentent les défilés de mode à Paris et mélangent les styles, laissent (plus ou moins) le rococo au placard tout en continuant à étaler leur richesse avec des marques comme Louis Vuitton. Démonstration en vidéo avec le clip The Pursuit of Happiness de Kid Cudi.
Rétrospectivement, je pense que je devais être ridicule mais c'est le lot de la mode. C'est comme ça que ça marche et c'est aussi ce qui fait son charme. Mais avec ce look que je voyais directement inspiré des clips qui défilaient dans MTV Raps, je m'exposais à un retour de flammes d'autant plus violent qu'il était issu d'une mouvance qui a été en constante évolution pendant près de 30 ans. Lorsque vous aimez le rock, vos cheveux longs, votre blouson en cuir et votre jean slim pourraient à priori être portés dans les années 70, 80, 90 et encore aujourd'hui. Certes les formes ont un peu changés mais la base est sensiblement la même. Mais moi, mon truc, comme vous l'aviez sûrement deviné, c'était la mode Hip Hop. Et c'était donc pas tous les jours faciles. Heureusement pour moi que je n'ai jamais aimé être pris en photo. Il n'y a pas beaucoup de témoignages de ma crise "vestimentaire" d'adolescence.
Quand on est jeune, qu'on veut s'habiller Hip Hop, vous n'allez pas dans les friperies vous faire votre look à 50 euros. Non. Vous allez dans des boutiques spécialisées tellement rares (surtout en 1995) qu'elles en profitent pour gonfler leur marge de 500%. C'est le prix à payer pour être (un des) seuls à porter le dernier coupe-vent Cybertek (marque morte-née en 1995-1996) après avoir vu un clip des Fugees. Ces putains de rappeurs changent de marques fétiches et de looks tellement souvent que vouloir avoir du style 365 jours par an est à la fois un job à plein temps mais nécessite aussi d'avoir un autre job à plein temps à côté - celui-là pour payer la facture.
Personnellement, cette phase n'a pas duré plus de cinq ans. Mais pour celui qui serait dedans depuis 30 ans, voici à peu près ce par quoi il a du passer. Petit historique du style Hip Hop...
1979-1984 : les débuts
Du premier disque de rap, le fameux Rapper's Delight de Sugarhill Gang, au milieu des années 80, le milieu Hip Hop n'est pas encore considéré comme un mouvement assez "structuré" pour amener avec lui ses propres codes vestimentaires. Le style des rappeurs du moment, de Afrika Bambaataa à Grandmaster Flash, emprunte donc aux autres syles musicaux, celui des stars du funk, de la disco, de la soul et même du rock. Les looks hauts en couleurs de Parliament ou KISS servent ainsi souvent de modèle. Mais le style dépouillé marche aussi à l'image de Kurtis Blow qui, sur la pochette de son premier album éponyme culte, est torse-nu ! Démonstration en vidéo avec Grandmaster Flash en concert au Tube en 1983.
1984-1988 : la nouvelle école
Le mouvement n'est pas encore mainstream mais les premières stars commencent à émerger avec l'arrivée des clips. Run DMC sortent leur premier album en 1984 et amènent avec eux leur marque favorite, à savoir Adidas, qui devient, avec ses modèles à 3 bandes une marque emblématique de toute la nouvelle scène Hip Hop. Comme LL Cool J qui, de son côté, porte exclusivement des survêtements Coq Sportif, ils popularisent également les bonnets et bobs Kangol, une vieille marque anglaise des années 40 qui connut son heure de gloire dans les années 60. Côtés accessoires, les grosses lunettes carrés Cazals ou Gazelles sont légion, tout comme les phat laces qui ornent les sneakers Pro-Keds, un style directement inspirés des break-dancers. Démonstration en vidéo avec le clip de It's Tricky de RUN DMC (1986) et celui de I Need Love de LL Cool J (1987).
1987-1991 : l'âge d'or
A la fin des années 80, avec les 9 millions d'exemplaires écoulés du Licensed To Ill des Beastie Boys, le Hip Hop commence à devenir mainstream et les signes de richesse commencent à apparaître sur le dos des rappers. Alors que les premières filles à se mettre au Hip Hop, comme Salt N Pepa et Roxanne Shanté, revendiquent fièrement leur féminité avec un look ultra sexy et popularisent leurs Door Knockers Earrings, de grosses et lourdes boucles d'oreilles dorées, les hommes, comme Big Daddy Kane, Run DMC et Slick Rick, de leur côté, commencent à se mettre aux chaînes en or, ouvrant la porte à l'ultra-virilité du Hip Hop. Démonstration en vidéo avec le clip de Ain't No Half Steppin' de Big Daddy Kane (1988).
1989-1991 : le retour aux racines
Parallèlement à cette apparition du matérialisme pur et dur dans le mouvement, beaucoup de rappeurs utilisent le Hip Hop pour faire valoir leurs droits et revenir à des thèmes beaucoup plus politisés et sociaux, à l'image de Public Enemy, Queen Latifah, A Tribe Called Quest, KRS-One, X-Clan, De La Soul ou Jungle Brothers. Dans la mouvance du nationalisme noir, ces groupes remettent au goût du jour les couleurs Vertes, Rouges et Noirs, les couleurs historiques du mouvement prônant le retour aux racines africaines (voir les pochettes d'albums All Hail The Queen de Queen Latifah ou The Low End Theory de A Tribe Called Quest, par exemple). Les dreadlocks sont de plus en plus présentes dans les clips tout comme les Blousy Pants, largement popularisés auprès du grand public par MC Hammer, mais aussi tous les symboles égyptiens et les vêtements à motifs Kente. Des marques aux motifs très colorés et purement afro-américaines comme Cross Colours prospèrent. Démonstration en vidéo avec le clip de Funkin Lesson de X-Clan (1990).
1989-1993 : la démocratisation
Sous l'impulsion de rappeurs "grand public" qui déclinent leurs personnalités sur petit (Le Prince de Bel Air) comme sur le grand écran (HOUSE PARTY avec Kid N Play), le style Hip Hop commence à rentrer dans l'inconscient collectif. Nike, en grande partie grâce à Michael Jordan, remplace largement Adidas dans le coeur des B-Boys et la basket (montante) prend le pas sur la tennis (basse). A l'image de la pochette du premier album de TLC ou de l'esthétique du film culte de Spike Lee DO THE RIGHT THING, les couleurs flashy et le look ultra sportswear prédominent. On porte par exemple beaucoup de produits dérivés des équipes de basketball et de baseball comme les chemises jersey ou les blousons Starter des équipes de foot (qui, à cause de leur prix exorbitant, deviennent des denrées très recherchées par les racketteurs). La casquette, même si déjà présente, remplace les bob Kangol et devient vraiment l'accessoire emblématique du rappeur. Mais c'est surtout le baggy jean - propulsé par des designers afro-américains comme Karl Kani - qui fait son apparition. Il est largement popularisé en 1992 par Kris Kross qui ont la savante idée de le porter à l'envers. Démonstration en vidéo avec le clip de What About Your Friends de TLC (1992) et celui de Summertime de DJ Jazzy Jeff & The Fresh Prince (1991)
1991-1995 : la côte est
Mais à force de couleurs de plus en plus flashy et d'exubérances vestimentaires de plus en plus ridicules, le rappeur, au tournant des années 90, est devenu une caricature, un bouffon tout juste bon à amuser l'Amérique profonde en prime-time. En réaction, des rappeurs de la côte est, à la musique beaucoup plus agressive, comme Naughty By Nature, Onyx ou le Wu-Tang Clan adoptent un look à l'opposé total. Le noir, le gris et le marron sont de rigueur. Les vestes et pantalons militaires noirs accompagnés de sweet à capuches et de doudounes très amples font leur apparition - servant souvent de merchandising (les logos Wu-Tang Clan et Naughty by Nature inondent les rues dans la première partie de la décennie 90). Côté chaussures, les grosses boots type Timberland deviennent la norme. Des marques comme Caterpillar ou Carhartt sont également sorties de leur usage traditionnelle de vêtements d'ouvriers de chantiers pour faire leur apparition sur les pochettes de disques et les clips. Démonstration en vidéo avec le clip de CREAM du Wu-Tang Clan (1993) et de Down With King de Run DMC (1993)
1991-1996 : la côte ouest
Mais le look "d'hiver" qu'arborent les rappeurs newyorkais n'est pas très adapté au soleil californien. Pour les B-Boys, dès les premiers rayons de soleil, le look à adopter est celui des stars de Long Beach, Compton et Watts qui envahissent les charts avec leurs son funky. Aux jeans épais et aux grosses boots, des rappeurs comme Eazy-E, Dr Dre, Snoop Dogg ou Warren G leur préfèrent ainsi les chinos beige Dickies portés sur des Converse Chuck Taylor et des chemises à carreaux - sans oublier le bandana (bleu ou rouge) objet fétiche des gangsters Crips et Blood. Démonstration en vidéo avec le clip de What's My Name de Snoop Doggy Dogg (1993) et celui de Real Compton City G's de Eazy-E (1993)
1994-1997 : l'embourgeoisement
En mars 1994, Snoop Doggy Dogg porte une version XXL d'un sweat-shirt Tommy HIlfiger. Deux jours plus tard, les stocks d'une des marques les plus emblématiques de la bourgeoisie américaine sont pris d'assaut dans les grands magasins. Au beau milieu de la décennie 90, les rappeurs, qui s'embourgeoisent, s'approprient toute une série de marques "de prestige" qui jusqu'à présent habillaient les golfeurs, les joueurs de polo, les tennismen ou les plaisanciers - en gros, tous les sports les plus "blancs" du monde. Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, Helly Hansen, Nautica, Donna Karan - et évidemment Lacoste en France - deviennent les marques fétiches des rappeurs qui commencent - sous l'influence certaine d'un certain Puff Daddy - à étaler leur richesse et à se montrer, non plus comme des héros du ghetto mais comme des nouveaux riches. Démonstration en vidéo avec le clip de Loungin de LL Cool J (1996).
1995-2010 : les marques Hip Hop
Après s'être approprié, pendant près de 20 ans, toute une série de marques de sportswear, les rappeurs qui, désormais, dominent les Charts et les playlists des radios du monde entier, se mettent au business et adoptent une stratégie 360° de conquête des marchés. Les rappeurs se font donc les ambassadeurs de marques purement Hip Hop, à l'image de LL Cool J avec FUBU ou Fabolous avec Akademiks. Et c'est juste quand les personnalités du rap game ne sont pas eux-mêmes les créateurs de la marque, comme le Wu-Tang avec Wu-Wear, Puff Daddy avec Sean John, Russell Simmons avec Phat Farm, Damon Dash et Jay-Z avec Rocawear ou 50 Cent avec G-Unit Clothing. Dans la lignée de Karl Kani, de toutes nouvelles marques comme Ecko ou Enyce font également leur apparition avec des looks destinés intégralement aux B-Boys. Démonstration avec un documentaire sur la création de FUBU.
1997-2005 : le bling bling
New York puis Los Angeles ont beau avoir dominé le Hip Hop pendant deux décennies, à partir de la fin des années 90, les choses changent. Le sud émerge et, avec lui, un style nouveau. En vendant 1 million d'exemplaires de son 6e album et 4 millions de son 7e, Master P et ses sbires met la Nouvelle Orléans sur la carte du Hip Hop et remet au goût du jour le rococo. Manteaux de fourrures, costumes larges et bariolés, diamants aux doigts, dans les dents et à peu près partout où votre imagination peut en mettre, le mauvais goût "nouveau riche" est érigé en valeur dominante et des marques de luxe comme Versace ou Gucci deviennent les équipementiers officiels de ces rappeurs aux paroles désormais bien claires "Medallion iced up, Rolex bezelled up. And my pinky ring is platinum plus. Earrings be trillion cut". Et avec la bande de Cash Money (Juvenile, Lil Wayne...) qui prend le relais au tournant du millénaire et popularise le terme "bling bling" suivi de celle de Lil Jon quelques années plus tard, le Hip Hop en prend pour près d'une décennie de style "over the top" façon ghetto moite. Démonstration en vidéo avec le clip de Salt Shaker de Ying Yang Twins (2003) et celui de I Miss My Homies de Master P (1997).
2005-2010 : l'alternative
Mais comme l'économie, tout est une question de cycle. Comme la réaction d'un certain nombre de rappeurs au début des années 90 au look clownesque de MC Hammer ou Vanilla Ice, le milieu de la décennie 2000 marque le retour aux basiques et à un style moins tape à l'oeil. Avec la sortie en 2004 de The College Dropout de Kanye West, le look Hip Hop revient aux jeans slim des débuts de Run DMC et LL Cool J, retrouve les grosses lunettes, les baskets montantes tout en gardant les casquettes colorés et autres diamants du bling bling et en faisant revenir le look preppy du milieu des années 90. Bref, le style Hip Hop se veut "à nouveau" alternatif. Moins refermé sur eux-mêmes, les rappeurs, à l'image de Lil Wayne, Kanye West, Pharell Williams, Kid Cudi, Lupe Fiasco, fréquentent les défilés de mode à Paris et mélangent les styles, laissent (plus ou moins) le rococo au placard tout en continuant à étaler leur richesse avec des marques comme Louis Vuitton. Démonstration en vidéo avec le clip The Pursuit of Happiness de Kid Cudi.
Très très bon! Les rappeurs savent pas assez comment on a pu s'afficher à cause de leurs délires!
RépondreSupprimerC'est marrant, l'appellation donnée au look "bling-bling-nouveau-riche". =D D'habitude quand on me dit Rococo je pense à ça :
RépondreSupprimerhttp://www.cosmovisions.com/images/FragonardBalancoire.jpg
Moi aussi je pense à ça. Mais quand tu vois l'intérieur de la maison de Master P par exemple, ça ressemble aussi à ça : des dorures partout, de l'ivoire et des formes baroques. C'est du rococo du 20e siècle :)
RépondreSupprimerMais clairement le style rococo même au 18e siècle symbolisait la superficialité. Voltaire disait même, je crois, que c'était un style "dégénéré".. ;)
Oh bel article, mais je serai pour un update avec l'arrivée du rap game archi commercial vs un rap conscient qui cherche un retour aux sources !
RépondreSupprimerVive le style US !!!