A vrai dire, j'avais pas prévu d'écrire la moindre ligne sur la projection spéciale de A BOUT PORTANT à laquelle on m'avait conviée il y a dix jours. Les critiques de film, c'est pas trop mon truc et j'avais à priori pas grand chose à écrire de vraiment intéressant sur un film qui n'est, au final, qu'une série B comme vous pouvez en voir à longueur d'années sur le grand comme sur le petit écran. Pensez Michael Scoffield et Jack Bauer. Une série B, donc, très efficace mais juste une série B.
Mais les commentaires d'après la projection, glanés ici ou la, sur Facebook, Twitter et sur pas mal de blogs, ont suffit à me convaincre que j'avais plus de choses à dire sur (ou plutôt via) le film de Fred Cavayé que les conneries affligeantes de platitudes que sont "Gilles Lelouch joue trop bien", "l'image est trop belle" ou "c'est super efficace". Parmi ces commentaires, il y a en effet ce truc qui revient, encore et encore : "Enfin un film français aussi efficace qu'un film américain". Fred Cavayé lui-même, avant que le film commence, balance cette phrase au public hilare : "On va vous montrer que le cinéma français, ce n'est pas juste des gens qui parlent dans une cuisine".
J'ai l'impression d'avoir entendu ça toute ma vie. Le cinéma français, c'est des films chiants avec des bobos trentenaires qui vont au marché, passe le week-end dans leur maison de campagne et parlent dans leur cuisine. Le cinéma français, c'est pas de l'action. Le cinéma français, c'est lent comme un épisode Julie Lescaut que l'on aurait pimpé à la jeune actrice névrosée. Le cinéma français, c'est de la branlette. Bref, le cinéma français, c'est pas le cinéma américain.
C'est pas faux. Certains films de Christophe Honoré et l'intégralité de la filmographie d'Arnaud Depleschin sont assez proches de ce constat. En France, on fait des drames bobo. C'est une tradition qui remonte à loin. On est reconnu pour ça à l'étranger. C'est notre marque de fabrique comme les films de kung-fu le sont pour la Chine ou les films sociaux le sont pour l'Angleterre. Mais au final, cela représente combien de films par an ? Trois. Quatre. Allez Cinq. Six. Si on regarde le PCF (Paysage Cinématographique Français), ils sont certes visibles mais le sont-ils plus que les autres ? En France, on fait aussi beaucoup de comédie franchouillarde inexportable - équivalent de la comédie US bas de plafond servie aux Américains. On fait aussi un peu de comédie déjantée type OSS117, FATAL ou UN TICKET POUR L'ESPACE - équivalent des produits Apatow/Will Ferrell/McKay. On fait des comédies romantiques. Voyez mon billet sur le sujet. On fait même des comédies musicales, des drames en costumes, des biopic, des teen movies, des films d'horreur, des films policiers et donc des films d'action. En gros, on fait des films de genre comme en Amérique.
Alors, OK, une comédie romantique française moyenne a le budget d'un épisode de "Friends". En souffre-t-elle pour autant ? J'en suis pas sûr. Un bon scénario reste un bon scénario (et inversement) et, que ce soit Katherine Heigl ou Virginie Efira sur l'affiche, cela reste deux blondes avec des gros seins pas meilleure actrice l'une que l'autre. Mais bon, Katherine Heigl roule en cadillac et Virginie Efira en Clio... OK. C'est sûr que là, l'argument est puissant !
L'argument pourrait d'ailleurs l'être encore plus quand il s'agit de films d'action. Avec le budget d'un épisode de 24, c'est certes difficile de leur demander d'y mettre des robots qui se transforment ou de faire exploser des immeubles mais la France a démontré depuis longtemps qu'elle était capable de faire des thrillers et de la grosse action qui tâche - mais à sa façon. Quand j'étais gamin, par exemple, j'étais autant impressionné par des trucs comme DIE HARD, ROBOCOP ou LES GOONIES que par des trucs comme LE CAPITAN, LE BOSSU ou CARTOUCHE. Même dans des registres contemporains, avec des films comme LES SPÉCIALISTES, LE CERVEAU, L'UNION SACRÉE, L'HOMME DE RIO, LE GRAND PARDON ou PEUR SUR LA VILLE, je ne voyais pas la différence entre ces films 100% fabriqué en France et d'autres Américains beaucoup plus coûteux et riches en effets spéciaux et cascades etc. Personne ne m'a forcé à les voir et revoir. On ne m'a jamais interdit de regarder des films américains. Pourtant, pendant assez longtemps, c'est ces films français d'aventure et d'action que j'ai préféré. Difficile de savoir pourquoi... Mais j'ai envie de croire que la qualité des histoires et le savoir-faire français en matière de personnages psychologiquement intéressants faisaient la différence - même à mon jeune âge.
Après les commentaires glanés ici ou là suite à la projection de A BOUT PORTANT, j'ai alors eu l'impression que les gens avaient oublié cela, que, pour la majorité, le cinéma français, c'était désormais, soit des comédies affligeantes de nullité avec Franck Dubosc ou des films de trentenaires névrosés chiants comme la pluie. Je trouve ça très ingrat. Sous couvert d'une sorte de bon ton "jeune", il vaut mieux se coltiner des comédies romantiques et des films d'action produits à la chaîne sous le seul prétexte que le cinéma français, c'est chiant ou nul, oubliant par la même occasion que la France est encore capable de produire des choses moins grandiloquentes certes mais, à leur manière, tout aussi épiques et magistrales.
Voyez l'oeuvre sans fausse note de Jacques Audiard. Malgré les ponts d'or offerts par Hollywood, il refuse catégoriquement d'aller travailler aux Etats-Unis pour une seule et même raison : la France est le seul endroit où il peut développer ses personnages en toute liberté, sans la pression d'un petit con pré-pubère qui lui dirait quoi faire. La France est le seul endroit où il ne serait pas obligé de sacrifier la psychologie à l'efficacité. La France est le seul endroit où il ne serait pas obligé de se justifier d'avoir fait un film "avec des personnages qui parlent dans une cuisine".
J'avoue, moi-même, faire ici la part-belle au cinéma américain et ne parler sur ce blog que très rarement de cinéma français. Ça ne m'a pas empêché, l'année dernière, de mettre à la place suprême de mon Top 20 annuel un film français. Et un autre à la 15e. En 2008, j'en avais même mis 3. Idem en 2007. A BOUT PORTANT ne fera pas partie de ces films cette année. Malgré le bon moment passé, je n'ai en effet pas vu la différence entre le film de Fred Cavayé et une bon épisode de 24 - ce qui ne me suffit pas. Si j'aime le cinéma français, c'est pour tout ce que le cinéma américain ne m'offre pas (ou rarement) : de la proximité, d'autres références, des façons différentes de raconter des histoires, des sentiments et des images inédites.
Alors, qui que vous soyez, essayez de repenser à ça la prochaine fois que vous serez tenté de dire "enfin un film français aussi efficace qu'un film américain". Repensez à Melville, à Bébel, à Hunnebelle, à Oury, à Jean Marais, à Audiard (père et fils), à Remi Bezançon, à Henri Verneuil, à Pierre Salvadori ou à Alexandre Arcady avant de vous gargariser de Fred Cavayé et ses conneries de "gens qui parlent dans des cuisines". Repensez à tous ceux qui ont fait ou feront du divertissement "à la française" de qualité avant de penser à ceux dont le seul but semble de singer un modèle de divertissement qui ne nous appartient pas. Les Américains le font très bien eux-mêmes. Ça suffit amplement...
Mais les commentaires d'après la projection, glanés ici ou la, sur Facebook, Twitter et sur pas mal de blogs, ont suffit à me convaincre que j'avais plus de choses à dire sur (ou plutôt via) le film de Fred Cavayé que les conneries affligeantes de platitudes que sont "Gilles Lelouch joue trop bien", "l'image est trop belle" ou "c'est super efficace". Parmi ces commentaires, il y a en effet ce truc qui revient, encore et encore : "Enfin un film français aussi efficace qu'un film américain". Fred Cavayé lui-même, avant que le film commence, balance cette phrase au public hilare : "On va vous montrer que le cinéma français, ce n'est pas juste des gens qui parlent dans une cuisine".
J'ai l'impression d'avoir entendu ça toute ma vie. Le cinéma français, c'est des films chiants avec des bobos trentenaires qui vont au marché, passe le week-end dans leur maison de campagne et parlent dans leur cuisine. Le cinéma français, c'est pas de l'action. Le cinéma français, c'est lent comme un épisode Julie Lescaut que l'on aurait pimpé à la jeune actrice névrosée. Le cinéma français, c'est de la branlette. Bref, le cinéma français, c'est pas le cinéma américain.
C'est pas faux. Certains films de Christophe Honoré et l'intégralité de la filmographie d'Arnaud Depleschin sont assez proches de ce constat. En France, on fait des drames bobo. C'est une tradition qui remonte à loin. On est reconnu pour ça à l'étranger. C'est notre marque de fabrique comme les films de kung-fu le sont pour la Chine ou les films sociaux le sont pour l'Angleterre. Mais au final, cela représente combien de films par an ? Trois. Quatre. Allez Cinq. Six. Si on regarde le PCF (Paysage Cinématographique Français), ils sont certes visibles mais le sont-ils plus que les autres ? En France, on fait aussi beaucoup de comédie franchouillarde inexportable - équivalent de la comédie US bas de plafond servie aux Américains. On fait aussi un peu de comédie déjantée type OSS117, FATAL ou UN TICKET POUR L'ESPACE - équivalent des produits Apatow/Will Ferrell/McKay. On fait des comédies romantiques. Voyez mon billet sur le sujet. On fait même des comédies musicales, des drames en costumes, des biopic, des teen movies, des films d'horreur, des films policiers et donc des films d'action. En gros, on fait des films de genre comme en Amérique.
Alors, OK, une comédie romantique française moyenne a le budget d'un épisode de "Friends". En souffre-t-elle pour autant ? J'en suis pas sûr. Un bon scénario reste un bon scénario (et inversement) et, que ce soit Katherine Heigl ou Virginie Efira sur l'affiche, cela reste deux blondes avec des gros seins pas meilleure actrice l'une que l'autre. Mais bon, Katherine Heigl roule en cadillac et Virginie Efira en Clio... OK. C'est sûr que là, l'argument est puissant !
L'argument pourrait d'ailleurs l'être encore plus quand il s'agit de films d'action. Avec le budget d'un épisode de 24, c'est certes difficile de leur demander d'y mettre des robots qui se transforment ou de faire exploser des immeubles mais la France a démontré depuis longtemps qu'elle était capable de faire des thrillers et de la grosse action qui tâche - mais à sa façon. Quand j'étais gamin, par exemple, j'étais autant impressionné par des trucs comme DIE HARD, ROBOCOP ou LES GOONIES que par des trucs comme LE CAPITAN, LE BOSSU ou CARTOUCHE. Même dans des registres contemporains, avec des films comme LES SPÉCIALISTES, LE CERVEAU, L'UNION SACRÉE, L'HOMME DE RIO, LE GRAND PARDON ou PEUR SUR LA VILLE, je ne voyais pas la différence entre ces films 100% fabriqué en France et d'autres Américains beaucoup plus coûteux et riches en effets spéciaux et cascades etc. Personne ne m'a forcé à les voir et revoir. On ne m'a jamais interdit de regarder des films américains. Pourtant, pendant assez longtemps, c'est ces films français d'aventure et d'action que j'ai préféré. Difficile de savoir pourquoi... Mais j'ai envie de croire que la qualité des histoires et le savoir-faire français en matière de personnages psychologiquement intéressants faisaient la différence - même à mon jeune âge.
Après les commentaires glanés ici ou là suite à la projection de A BOUT PORTANT, j'ai alors eu l'impression que les gens avaient oublié cela, que, pour la majorité, le cinéma français, c'était désormais, soit des comédies affligeantes de nullité avec Franck Dubosc ou des films de trentenaires névrosés chiants comme la pluie. Je trouve ça très ingrat. Sous couvert d'une sorte de bon ton "jeune", il vaut mieux se coltiner des comédies romantiques et des films d'action produits à la chaîne sous le seul prétexte que le cinéma français, c'est chiant ou nul, oubliant par la même occasion que la France est encore capable de produire des choses moins grandiloquentes certes mais, à leur manière, tout aussi épiques et magistrales.
Voyez l'oeuvre sans fausse note de Jacques Audiard. Malgré les ponts d'or offerts par Hollywood, il refuse catégoriquement d'aller travailler aux Etats-Unis pour une seule et même raison : la France est le seul endroit où il peut développer ses personnages en toute liberté, sans la pression d'un petit con pré-pubère qui lui dirait quoi faire. La France est le seul endroit où il ne serait pas obligé de sacrifier la psychologie à l'efficacité. La France est le seul endroit où il ne serait pas obligé de se justifier d'avoir fait un film "avec des personnages qui parlent dans une cuisine".
J'avoue, moi-même, faire ici la part-belle au cinéma américain et ne parler sur ce blog que très rarement de cinéma français. Ça ne m'a pas empêché, l'année dernière, de mettre à la place suprême de mon Top 20 annuel un film français. Et un autre à la 15e. En 2008, j'en avais même mis 3. Idem en 2007. A BOUT PORTANT ne fera pas partie de ces films cette année. Malgré le bon moment passé, je n'ai en effet pas vu la différence entre le film de Fred Cavayé et une bon épisode de 24 - ce qui ne me suffit pas. Si j'aime le cinéma français, c'est pour tout ce que le cinéma américain ne m'offre pas (ou rarement) : de la proximité, d'autres références, des façons différentes de raconter des histoires, des sentiments et des images inédites.
Alors, qui que vous soyez, essayez de repenser à ça la prochaine fois que vous serez tenté de dire "enfin un film français aussi efficace qu'un film américain". Repensez à Melville, à Bébel, à Hunnebelle, à Oury, à Jean Marais, à Audiard (père et fils), à Remi Bezançon, à Henri Verneuil, à Pierre Salvadori ou à Alexandre Arcady avant de vous gargariser de Fred Cavayé et ses conneries de "gens qui parlent dans des cuisines". Repensez à tous ceux qui ont fait ou feront du divertissement "à la française" de qualité avant de penser à ceux dont le seul but semble de singer un modèle de divertissement qui ne nous appartient pas. Les Américains le font très bien eux-mêmes. Ça suffit amplement...
Tu as parfaitement raison, il y en a qui ont la mémoire courte. Le cinéma français reste le plus riche au nivau de la diversité des genres derrière le ciné américain.
RépondreSupprimer(bon par contre, Arcady, je l'aurais pas forcément cité ;))
J'étais sûr que tu dirais ça pour Arcady. J'avoue que ça fait bien longtemps qu'il n'a rien fait de valable mais Le Grand Pardon, le Grand Carnaval ou L'Union Sacrée restent des films super que j'ai regardé des dizaines de fois étant gamin...
RépondreSupprimerPffff... Le Grand Pardon, quand même... nan je peux pas cautionner^^
RépondreSupprimerSuper article, je n'aime pas spécialement le cinéma français moi-même, car je HAIS les comédies de bobo trentenaires/jeunesse dorée parisienne qu'on nous sert tout au long de l'année comme tu l'as expliqué, mais il y a quelques ovnis qui me donne beaucoup d'espoir quant à l'avenir de ce cinéma. Par exemple Les Beaux Gosses ou les films un peu crus de Kourtrajmé. Si j'ai aimé le premier, je n'ai pas beaucoup vu de films du collectif cité et je ne sais pas si j'aimerais mais au moins je sais que ça sera différent, pas Judith Godrèche ou François-Xavier Demaison déambulant dans Paris à la recherche de leur Smart.
RépondreSupprimerEnfin bref, je ne sais pas pourquoi je disserte, tu as déjà tout expliqué. Par contre au niveau des budgets, je crois avoir lu un jour qu'un épisode de RIS valait plus cher qu'un épisode de CSI Miami. En gros que les français dépensaient beaucoup plus cher pour faire un truc complètement médiocre. Donc les français auraient-ils des fois des plus gros budgets ? Dans ce cas, il faut se faire une raison .. On cuisine très bien !
En fait je suis totalement d'accord avec toi. J'aime pas mal de films français, mais on résume trop le cinéma français à Christophe Honoré. Les comédies sur les trentenaires, y en a des bien comme dirait Didier Super. Pour les films d'action, j'ai surtout en tête les films avec Belmondo que j'ai vu gamine et qui aujourd'hui me paraissent des productions plus qu'honnêtes.
RépondreSupprimerJ'ai vu les Chti's, et j'ai plutôt rigolé du début à la fin et les critiques contre ce film m'ont paru assez débiles. En gros il a été critiqué parce qu'il avait du succès. J'adore les films cons américains même si j'en ai vu peu, mais je ne suis pas loin de penser que c'est leur côté "underground" en France qui les rends si "cool". En France, on a des smart parce que si l'histoire se passe à Paris, c'est plus facile de se garer. Voilà tout, non ?
Et en effet Katherine Heigl, elle est mignonne, mais ça s'arrête là.
En fait cet article est génial.
La Smart est un exemple.
RépondreSupprimerCa fait partie des codes qui reviennent assez souvent.
C'est simple, à chaque fois que des acteurs du cinéma français "classique" passent au Grand Journal pour leur promo, j'ai l'impression de voir les MEMES bande-annonces avec les mêmes acteurs et les même pitchs.