21 octobre 2010

La comédie romantique ou la fin de l'Amour

Que représentent les comédies romantiques pour vous ?
1/ Un calvaire absolu. Tous ces sentiments guimauves vous donnent envie de vomir.
2/ Un moyen de sortir votre copine à moyen frais et lui montrer que, vous aussi, vous avez un coeur.
3/ Un divertissement comme un autre. C'est toujours mieux que le drame en noir et blanc sur la vie d'ouvriers Ouzbèques qui passe à 20h35.
4/ Un cours magistral d'1h30 sur les 1001 façons de tomber amoureux.
5/ Une façon de tomber amoureux par procuration et de nourrir ces rêves d'envolées romantiques.

En ce qui me concerne, c'est un mélange des réponses 4 et 5. Je pense que j'avais à peu près 15 ou 16 ans quand j'ai vu pour la première fois NUITS BLANCHES A SEATTLE et, je l'avoue, ça a changé ma vie. Voir Meg Ryan tomber amoureuse d'un fantasme, d'un homme triste élevant seul son fils suite au décès de sa femme, parce qu'elle a sûrement trop vu le film ELLE ET LUI, a été un choc. Un choc de ceux qui vous parle tellement qu'encore aujourd'hui, c'est toujours de cette façon que je tombe amoureux. En me créant dans la tête un fantasme. Que je fais durer. Encore et encore. Quand j'étais adolescent, ce fantasme pouvait durer des mois entiers, voire des années. En fait, plus souvent des années que des mois. Vous allez me dire que ce n'est pas le film qui m'a poussé à ça mais que le film n'a été qu'un miroir. C'est très vrai. Mais le film m'a conforté. Le film m'a dit, petit enculé de sa mère qu'il est, que c'était possible. Il m'a dit : "Toi aussi, tu la trouveras celle qui te fera surmonter tes peurs et tes doutes et te poussera à te rendre en pleine nuit au sommet de l'Empire State Building". NUITS BLANCHES A SEATTLE m'a entretenu dans l'idée naïve (mais belle) et surtout assez confortable qu'il suffit d'attendre.

Aujourd'hui, j'ai un peu dépassé cela. Mais pas totalement. Reste que les comédies romantiques continuent, sournoisement, à me maintenir dans cet état. Mais j'en ai déjà un peu parlé il y a quelques jours ici (J'en profite pour vous présenter mes excuses pour le caractère légèrement obsessionnel de mes écrits ces derniers temps. Ce n'est pourtant pas le printemps...). Et donc, j'ai l'impression que, tant qu'il y aura des films (et par extension des chansons) sur l'Amour, je ne sortirais jamais complètement de ce cocon fantasmé qui m'empêche de passer à autre chose, à une vitesse supérieure.

Mais ces derniers temps, je sens qu'il se passe un truc. Déjà, ça fait très longtemps que je ne me suis pas senti "amoureux". Comme deux chinois perdus à Hong Kong dans les années 60, je me sens toujours in the mood for love mais pas vraiment crazy in love. Surtout, je me sens moins dépendant des films d'amour. Certes, mon passif est lourd et j'ai absorbé depuis NUITS BLANCHES A SEATTLE assez de déclarations romantiques pour que mon cerveau de midinettes se noie encore quelques années dans la guimauve. Mais, c'est comme le pétrole, les réserves naturelles diminuent.

Je me suis dit un temps que je vieillissais, devenais sage, un peu plus cynique, moins idéaliste. Le truc normal et naturel, quoi. Pourtant, en sortant du cinéma, il y a quelques jours, je me suis dit que ces raisons évidentes n'étaient pas forcément les bonnes. J'ai peut-être trouvé la vraie raison. Les comédies romantiques ne sont plus ce qu'elles étaient. J'ai fait mon éducation sentimentale dans les années 90 qui furent une époque assez incroyable pour le genre : de Nora Ephron à Cameron Crowe, cette décennie a vu la consécration de grands auteurs de romcom, des auteurs qui offraient à nouveau au genre des lettres de noblesse que les années 70 et 80 lui avaient enlevés. Des films comme QUAND HARRY RENCONTRE SALLY, JERRY MAGUIRE, POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE, MILLIARDAIRE MALGRE LUI, MÉPRISE MULTIPLE, LE PRESIDENT ET MISS WADE, L'AMOUR A TOUT PRIX ont renouvelé le genre, conservant l'invention des situations des classiques des 30's et 40's tout en les modernisant et en les adaptant aux préoccupations contemporaines.

Mais plus que tout, comme les films de Capra, Lubitsch et Wilder, ils donnaient envie de tomber amoureux. Devant ces films, vous assistiez à la naissance de l'Amour. Vous aviez deux personnages qui tombaient amoureux. Vraiment. L'Amour naissant était le centre de l'histoire, la plus importante composante du film. Que ce soit grâce au talent des comédiens. Que ce soit grâce aux regards. Que ce soit grâce aux mots. Que ce soit grâce à la sophistication de la mise en scène. Peu importe l'artifice cinématographique ou narratif, on y croyait. Dans le regard de Renée Zellweger au début de JERRY MAGUIRE, vous voyez poindre un sentiment. Cameron Crowe, ce regard, le filme longtemps, insiste dessus et a sûrement du mettre de longues heures à l'obtenir de sa comédienne mais le résultat est là. On y croit. On veut y croire. On veut croire que ça nous arrivera aussi. Un jour.

Ce sentiment fait les comédies romantiques réussies. Ce sentiment a forgé mon cerveau aux choses de l'Amour. Il l'a enrobé de guimauve comme le sucre entoure le bâton d'une barbe-à-papa. Et si désormais, quelques années plus tard, la guimauve commence à fondre, c'est qu'on ne lui offre plus guère que de l'aspartame, à savoir des Jennifer à la pelle (Aniston, Lopez, Garner), des Katherine Heigl, des Gerard Butler, des films comme LE CHASSEUR DE PRIME, UNE ABOMINABLE VÉRITÉ, LE TÉMOIN AMOUREUX, KISS & KILL, LE PLAN B et beaucoup d'autres. Beaucoup, beaucoup d'autres. Et comme vous êtes impatient de savoir quel film est la source de ces modestes lignes, TROP LOIN POUR TOI.

Certes, Drew Barrymore a plus de charme que la première pouf de 10 ans de moins propulsé "petite fiancée de l'Amérique" par la grâce d'un rôle à la télé. Certes, l'alchimie entre elle et Justin Long est d'un autre calibre que celle, en plastique, de tous ces couples préfabriqués par des producteurs obèses adeptes du cigare. Ça n'empêche pas le film de sombrer dans les pires travers d'un genre qui semble en bout de course. Hormis de très bonnes (mais rares) scènes de comédie (le coloc adepte des bandes originales de film), le film n'offre pour seule démonstration de sentiment amoureux qu'une scène de rencontre suivi d'un montage mignonnet sur fond de musique à la mode, quelques baisers et des déclarations d'amour sans imagination vues, revues et encore revues.

Fut un temps où les meilleures (et plus belles) scènes d'une comédie romantique étaient celles que passaient les (futurs) amoureux à discuter. Voyez BREAKFAST AT TIFFANY'S. Voyez BEFORE SUNRISE. Voyez THE PHILADELPHIA STORY. Dans ces discussions et surtout dans les regards et petits gestes qui allaient avec, il y avait TOUT. Il y avait le sentiment naissant. Il y avait l'ensemble des possibles. Il y avait l'Amour. Le vrai. Il y avait ce qu'il n'y a (presque) plus maintenant. Si on ne peut plus trouver l'Amour dans un film sur l'Amour, où est-on censé le trouver ? Dans les chansons ? Plus personne ne s'embête plus à faire de slows, les jeunes ayant, semble-t-il, arrêté de les danser aux alentours de 1996. A la télé ? Entre deux épisodes de JERSEY SHORE et de THE REAL HOUSEWIVES OF BEVERLY HILLS ?

Voilà, donc. La dernière fille ayant fait battre mon coeur ne me voit pas. Et dans ces cas-là, pour arriver à y croire à nouveau, mon coeur a besoin de sa dose de comédie romantique et d'Amour sur celluloïd. Mais mon dealer n'a que du sentiment cheap à me refourguer. Qu'est-ce que je suis donc censé faire, maintenant ? Arrêter de croire aux paradis artificiels ? Je ne m'y résoudrais pas, quitte à continuer à me shooter, encore et encore, avec les restes de came de ma jeunesse...


7 commentaires:

  1. Je te trouve sévère avec "Trop loin pour toi"... Peut-être parce que c'est plus potache et comique que romantique effectivement, mais il n'empêche que c'est un vrai bon film, et c'est là l'essentiel ;)
    On ne fait peut-être plus vraiment de comédies romantiques come dans les années 90, mais au moins on a eu de beaux drames sur le sujet (aaaah, "Two Lovers"), ce qui n'a rien à voir mais bon... lol Je crois que moi je préfère les grands drames sur l'amour impossible que les comédies romantiques de tout façon^^

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  2. J'avoue : je suis dur avec TROP LOIN DE TOI. Mais je l'écris : le film n'est pas aussi mauvais que les films précédemment cités. Juste qu'il correspond quand même à une certaine tendance vers une romcom plus comique que romantique. Je trouve que c'est dommage qu'on arrive plus à trouver le bon équilibre entre les deux éléments comme c'était le cas dans les années 90 et surtout dans les années 30 et 40.

    Après pour ce qui est des drames romantiques, c'est autre chose, un autre sujet. J'ai pas vraiment la même relation "affective" avec ce genre de films. Ça n'a pas le même effet sur mon cerveau et mon coeur.

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  3. Moi aussi je te trouve dur. Ce que j'ai aimé dans ce film, c'est qu'il est justement très différent de ceux que tu cites. Les rapports entre Drew Et Justin (j'ai oublié les noms de leurs personnages)sont pour une fois assez réalistes, plutôt trasho-comiques, un peu rock n' roll et ça fait du bien ! Moi, ça m'a fait rêvé autant qu'un Cameron Crowe (même si je trouve le film pas totalement réussi)

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  4. Alors évidemment, je me dois de répondre à ce billet qui vient taper directement dans mon pré carré. Et je suis d'accord avec toi pour "Trop loin pour toi" que j'ai trouvé vulgairo-trash et dans lequel l'aspect romantique passe carrément au second plan. Quand on le compare avec "Nuits blanches à Seattle" ou "Vous avez un message" voire même avec "Before sunrise", le changement est carrément violent.

    C'est la comédie romantique made in 2000's qui suit une formule éprouvée à base d'une femme (journaliste dans 80% des cas - garçon manqué dans 90%), de copains vulgaires, de "baise", de "putain" etc. Et ce n'est pas être puritain de dire ça. C'est juste que dans les années 80 et 90, on n'avait pas besoin de ça pour faire de bonnes comédies romantiques. Alors que maintenant... C'est un triste constat mais j'espère beaucoup pour la suite. Cette formule commence à montrer des signes de faiblesse et "500" jours ensemble montre la voie d'une rom-com un peu plus réaliste (quitte à en être triste) et il faut souligner la vigueur des films d'amour indé. Bref, le meilleur est à venir.

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  5. Très beau papier sur les comédies romantiques je trouve (même si je n'ai pas encore vu Trop loin pour toi).
    Je serais très content que vous passiez sur mon blog où je raconte mes aventures de (futur) jeune comédien.
    http://bientot-sur-les-ecrans.blogspot.com

    Timothée Burger

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  6. Arrêtez de taper sur "Trop loin pour toi" parce qu'il dit est branché cul, enchaîne les gros mots et se finit bien. Je suis le premier à être fan des films qui se finissent mal (les drames amoureux mentionnés), mais ce n'est pas parce qu'un film se revendique mineur et ne cherche pas à distiller de la mélancolie dans son approche romantique qu'il n'est pas réussi. La langage cru est autant réaliste que la mélancolie, ou alors vous n'avez jamais discuté affaires de coeur et de sexe avec vos potes !
    Quant à la référence 500 jours ensemble, je ne suis pas sûr que le film relève la comparaison avec "Trop loin pour toi", malheureusement. Le film de Webber était certainement plus ambitieux, mais il était surtout raté. Et je ne sais pas si un film où un garçon de 25 ans prend des conseils de coeur de sa petite soeur de 10 ans est plus réaliste qu'un film comme "Trop loin pour toi", je ne pense pas que le mot "réaliste" colle parfaitement au film de Webber... Mais ça c'est une autre histoire... ;)

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  7. En tous cas, je dois dire pour ma part que "Trop loin pour toi" me parle bien plus que "500 jours ensemble". Peut être simplement parce que Zooey m'insupporte alors que Drew pourrait être ma meilleure copine dans une autre vie cool. Les acteurs de "Trop loin pour toi" ont un capital sympathie qui dépasse de loin la it-girl et le it-boy de "500". Mais c'est mon humble avis ;)

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