On ventura, there she goes. She just bought some bitchen clothes. Tosses her head n flips her hair. She got a whole bunch of nothin in there. Last idea to cross her mind. Had something to do with where to find. A pair of jeans to fit her butt. And where to get her toenails cut.
Ceci pourrait être le portrait acerbe d'une héroïne de The Hills ou de Laguna Beach. Effectivement. Pourtant, ceci a été écrit en 1982 par Frank Zappa et sa fille Moon. Conçue à l'époque comme une blague, Zappa étant plus connu pour son cynisme et ses commentaires caustiques sur la société de consommation, cette chanson "Valley Girl", dès sa sortie, a pourtant fait l'effet d'une bombe chez les adolescentes américaines, créant ainsi un véritable phénomène socio-culturel.
Portrait de ces adolescentes superficielles et égocentriques de la classe moyenne supérieure passant leur temps à faire du shopping, à parler de garçons, de soins de beauté et de leurs groupes préférés au téléphone et polluant les centres commerciaux de la San Fernando Valley, cette chanson se veut très sarcastique mais des millions d'adolescentes du début des années 80 s'y retrouvent et y voient une façon de se démarquer, de rejoindre une nouvelle tribu. Le phénomène "Valley Girl" était née.
Sous l'influence de la chanson et des premières "Valley Girls", des millions de jeunes filles se créent alors un look ultra sophistiqué, très inspiré des Bobby-Soxers des années 40, ces fans de Frank Sinatra qui portaient leurs chaussettes apparentes sous leur "poodle skirts" (jupes longues à motifs), et agrémenté de shorts et de vestes en jeans avec le col remontés et les manches retournés. Elles s'accaparent également de nombreux produits de beauté (le gloss, les auto-bronzants), accessoires (les lunettes de soleil, chaînes en or), groupes de rock (Journey, AC/DC, Rush, Van Halen) et mêmes des marques alimentaires (le Tab, ancêtre du Coca-Cola Light, les Doritos, les brownies Kahlua, les chewing-Gum Bubblelicious, les bières Heinies et Lowies) qui deviennent leurs emblèmes. Elles proclament même le centre commercial de Sherman Oaks en Californie comme leur Mecque.
Mais tout cela pourrait ressembler au portrait d'une adolescente typique des années 80 pris dans le tourbillon de la mode de l'époque. A un détail près. Sous l'influence de la chanson de Zappa, les Valley Girls se sont accaparés tout un langage, une façon de parler, un vocabulaire, une prononciation. Et c'est là que le phénomène devient absolument fascinant.
Comme nous autres français avons le verlan, l'argot, les "Valley Girls" avaient leur Valspeak, un sociolecte encore très présent dans le langage "jeune" américain. Des qualifications comme "like", "Tre" (du français !) ou "so" sont balancées au milieu des phrases pour en accentuer certains éléments. Dans la chanson de Zappa, voici ce que ça donne par exemple...
Mais dans le cours de la conversation, vous pouvez également entendre des "as if" ("ouais, c'est ça !"), des "duh" ("évidemment"), des "bitchin" ("excellent"), des "whatever" ("peu importe"), des "Fer shur" ("bien sûr"), des "totally" ("Je suis d'accord"), des "Oh my god" (pour exprimer un choc), des "gnarly" ("vraiment") ou l'expression ultime (mais aujourd'hui désuette) "Bag your face" (littéralement "mets ta tête dans un sac", que l'on pourrait traduire par "Tais-toi"), le tout prononcé avec une grande intonation sur les mots et syllabes et, dans les cas les plus extrêmes, avec un accent californien poussé à son paroxysme (grande variation de ton et son nasal).
Si vous voulez entendre par vous-mêmes ce que ça donne, voici un extrait d'une émission de télé de 1982 sur un concours de Valley Girl, sorte de version californienne 80's de nos concours régionaux de miss !
Après avoir vu cette vidéo, deux choses vous viennent à l'esprit. En tous les cas du mien. Que toutes ces filles sont à priori (un peu) ridicule, que Moon Zappa joue les hypocrites devant toutes ces jeunes filles qui l'ont élue reine et icône absolue (sa chanson était, je le rappelle, une blague moqueuse), que la présence en masse de gens d'Hollywood était un signe et surtout que le phénomène "Valley Girl", s'il paraît démodé aujourd'hui dans sa forme la plus "primitive", est plus que jamais d'actualité mais surtout totalement dévoyé de sa "philosophie d'origine".
Car pour tous ceux et celles ayant grandi dans les années 90 et 2000, la description que je viens de faire de la Valley Girl rappelle forcément les personnages blondes un peu décérébrés que sont, dans le meilleur des cas, Cher Horowitz de CLUELESS, Elle Woods de LEGALLY BLONDE, les soeurs Liz et Jessica de la série SWEET VALLEY HIGH, et dans le pire des cas, Paris Hilton, Lauren Conrad ou Heidi Montag. Et vous auriez raison. En partie.
Tous ces personnages, réels ou fictifs, sont des héritières évidentes des Valley Girls 80's. A une différence près. Ce sont devenus des parodies assez éloignées du modèle originel.
D'abord, car les Valley Girls étaient, dans les années 80, principalement issues de la classe moyenne supérieure. Pas du tout de la grande aristocratie industrielle américaine comme les filles précédemment citées.
Ensuite, car les Valley Girls avaient beau "revendiquer" leur superficialité, la perfection du visage et du corps n'étaient absolument pas élevées comme une valeur dominante : la sophistication de son maquillage et de son look, l'inventivité de son vocabulaire et son aisance à parler le Valspeak étaient les valeurs essentielles, ce qui fait une grosse différence avec tous ces personnages de blondes arrogantes ayant élevés une certaine idée de la beauté plastique et la chirurgie esthétique en "accessoire" dominant.
Enfin, car les Valley Girls originels avaient majoritairement entre 13 et 17 ans. Avec le recul, près de 30 ans plus tard, toutes ces jeunes filles peuvent, à première vue, paraître ridicules. Mais au final, sont-elles plus ridicules qu'un adolescent émo, zyva, bcbg, goth ou je-ne-sais-quoi d'autres? J'enfonce sûrement des portes ouvertes ici mais n'est-ce pas le propre de l'adolescence de se chercher des repères et modèles, de vouloir à tout prix faire partie d'un groupe? Aucun d'entre vous ne pourra nier avoir fait partie d'une de ses tribus - même si elles ne portaient peut-être pas le même nom. Moi-même, je portais des baggies, une casquette (parfois) à l'envers. Moi-même, j'avais mes propres marques de vêtements préférés, mes produits et accessoires phares, mes groupes préférés. Moi-même, j'étais ridicule aux yeux des adultes (et de l'adulte que je suis devenu). Et vous l'étiez aussi. Pas la peine de nier. Dans le livre The Valley Girls' Guide to Life sorti en 1982, une fille a cette phrase particulièrement révélatrice : "Etre populaire, c'est important. Sinon, les gens ne vous aimeront pas." C'est désarmant de naïveté adolescente mais aussi lourd de sens que l'ensemble des films de John Hughes réunis.
On en revient donc toujours à la même chose : le besoin d'être aimé. On dirait peut-être le titre d'une chanson de comédie musicale neuneu mais voilà pourquoi j'ai choisi de classer cet article dans ma rubrique Plaisirs Coupables. Tout ceci, ce phénomène, pourrait se résumer à une bonne blague d'artistes un peu arrogants, à des histoires de fringues, de produits de beauté, d'égocentrisme et de superficialité. Après tout, c'est l'image que les Valley Girls ont laissé dans la pop culture de la dernière décennie. Mais dire cela serait aussi superficiel que ce que ça entend résumer, le phénomène Valley Girl dans sa forme originelle ne parlant que d'une seule chose. Une unique chose appelée la mélancolie adolescente, teen angst comme diraient les Américains. Etre aimé. Trouver sa place dans le monde. Voilà ce que nous disent les Valley Girls.
Et cela, il y a un film qui nous l'a déjà dit, il y a bien longtemps. Ça s'appelle VALLEY GIRL. Ça date de 1983 à l'apogée du phénomène. C'était tourné en toute indépendance, loin d'Hollywood et de ses clichés, pour un budget ridicule (350 000 dollars) avec Nicolas Cage dans son tout premier rôle principal. Dans ce film, Julie, une Valley Girl typique, tombait amoureuse de Randy, un punk des bas quartiers. Et c'était COOL, très, très loin de Paris et ses copines...
Ceci pourrait être le portrait acerbe d'une héroïne de The Hills ou de Laguna Beach. Effectivement. Pourtant, ceci a été écrit en 1982 par Frank Zappa et sa fille Moon. Conçue à l'époque comme une blague, Zappa étant plus connu pour son cynisme et ses commentaires caustiques sur la société de consommation, cette chanson "Valley Girl", dès sa sortie, a pourtant fait l'effet d'une bombe chez les adolescentes américaines, créant ainsi un véritable phénomène socio-culturel.
Portrait de ces adolescentes superficielles et égocentriques de la classe moyenne supérieure passant leur temps à faire du shopping, à parler de garçons, de soins de beauté et de leurs groupes préférés au téléphone et polluant les centres commerciaux de la San Fernando Valley, cette chanson se veut très sarcastique mais des millions d'adolescentes du début des années 80 s'y retrouvent et y voient une façon de se démarquer, de rejoindre une nouvelle tribu. Le phénomène "Valley Girl" était née.
Sous l'influence de la chanson et des premières "Valley Girls", des millions de jeunes filles se créent alors un look ultra sophistiqué, très inspiré des Bobby-Soxers des années 40, ces fans de Frank Sinatra qui portaient leurs chaussettes apparentes sous leur "poodle skirts" (jupes longues à motifs), et agrémenté de shorts et de vestes en jeans avec le col remontés et les manches retournés. Elles s'accaparent également de nombreux produits de beauté (le gloss, les auto-bronzants), accessoires (les lunettes de soleil, chaînes en or), groupes de rock (Journey, AC/DC, Rush, Van Halen) et mêmes des marques alimentaires (le Tab, ancêtre du Coca-Cola Light, les Doritos, les brownies Kahlua, les chewing-Gum Bubblelicious, les bières Heinies et Lowies) qui deviennent leurs emblèmes. Elles proclament même le centre commercial de Sherman Oaks en Californie comme leur Mecque.
Mais tout cela pourrait ressembler au portrait d'une adolescente typique des années 80 pris dans le tourbillon de la mode de l'époque. A un détail près. Sous l'influence de la chanson de Zappa, les Valley Girls se sont accaparés tout un langage, une façon de parler, un vocabulaire, une prononciation. Et c'est là que le phénomène devient absolument fascinant.
Comme nous autres français avons le verlan, l'argot, les "Valley Girls" avaient leur Valspeak, un sociolecte encore très présent dans le langage "jeune" américain. Des qualifications comme "like", "Tre" (du français !) ou "so" sont balancées au milieu des phrases pour en accentuer certains éléments. Dans la chanson de Zappa, voici ce que ça donne par exemple...
"So like I go into this like salon place, yknow
And I wanted like to get my toenails done
And the lady like goes, oh my god, your toenails
Are like so grody
It was like really embarrassing
Shes like oh my god, like bag those toenails
Im like sure...
She goes, uh, I don't know if I can handle this, yknow...
I was like really embarrassed..."
Mais dans le cours de la conversation, vous pouvez également entendre des "as if" ("ouais, c'est ça !"), des "duh" ("évidemment"), des "bitchin" ("excellent"), des "whatever" ("peu importe"), des "Fer shur" ("bien sûr"), des "totally" ("Je suis d'accord"), des "Oh my god" (pour exprimer un choc), des "gnarly" ("vraiment") ou l'expression ultime (mais aujourd'hui désuette) "Bag your face" (littéralement "mets ta tête dans un sac", que l'on pourrait traduire par "Tais-toi"), le tout prononcé avec une grande intonation sur les mots et syllabes et, dans les cas les plus extrêmes, avec un accent californien poussé à son paroxysme (grande variation de ton et son nasal).
Si vous voulez entendre par vous-mêmes ce que ça donne, voici un extrait d'une émission de télé de 1982 sur un concours de Valley Girl, sorte de version californienne 80's de nos concours régionaux de miss !
Après avoir vu cette vidéo, deux choses vous viennent à l'esprit. En tous les cas du mien. Que toutes ces filles sont à priori (un peu) ridicule, que Moon Zappa joue les hypocrites devant toutes ces jeunes filles qui l'ont élue reine et icône absolue (sa chanson était, je le rappelle, une blague moqueuse), que la présence en masse de gens d'Hollywood était un signe et surtout que le phénomène "Valley Girl", s'il paraît démodé aujourd'hui dans sa forme la plus "primitive", est plus que jamais d'actualité mais surtout totalement dévoyé de sa "philosophie d'origine".
Car pour tous ceux et celles ayant grandi dans les années 90 et 2000, la description que je viens de faire de la Valley Girl rappelle forcément les personnages blondes un peu décérébrés que sont, dans le meilleur des cas, Cher Horowitz de CLUELESS, Elle Woods de LEGALLY BLONDE, les soeurs Liz et Jessica de la série SWEET VALLEY HIGH, et dans le pire des cas, Paris Hilton, Lauren Conrad ou Heidi Montag. Et vous auriez raison. En partie.
Tous ces personnages, réels ou fictifs, sont des héritières évidentes des Valley Girls 80's. A une différence près. Ce sont devenus des parodies assez éloignées du modèle originel.
D'abord, car les Valley Girls étaient, dans les années 80, principalement issues de la classe moyenne supérieure. Pas du tout de la grande aristocratie industrielle américaine comme les filles précédemment citées.
Ensuite, car les Valley Girls avaient beau "revendiquer" leur superficialité, la perfection du visage et du corps n'étaient absolument pas élevées comme une valeur dominante : la sophistication de son maquillage et de son look, l'inventivité de son vocabulaire et son aisance à parler le Valspeak étaient les valeurs essentielles, ce qui fait une grosse différence avec tous ces personnages de blondes arrogantes ayant élevés une certaine idée de la beauté plastique et la chirurgie esthétique en "accessoire" dominant.
Enfin, car les Valley Girls originels avaient majoritairement entre 13 et 17 ans. Avec le recul, près de 30 ans plus tard, toutes ces jeunes filles peuvent, à première vue, paraître ridicules. Mais au final, sont-elles plus ridicules qu'un adolescent émo, zyva, bcbg, goth ou je-ne-sais-quoi d'autres? J'enfonce sûrement des portes ouvertes ici mais n'est-ce pas le propre de l'adolescence de se chercher des repères et modèles, de vouloir à tout prix faire partie d'un groupe? Aucun d'entre vous ne pourra nier avoir fait partie d'une de ses tribus - même si elles ne portaient peut-être pas le même nom. Moi-même, je portais des baggies, une casquette (parfois) à l'envers. Moi-même, j'avais mes propres marques de vêtements préférés, mes produits et accessoires phares, mes groupes préférés. Moi-même, j'étais ridicule aux yeux des adultes (et de l'adulte que je suis devenu). Et vous l'étiez aussi. Pas la peine de nier. Dans le livre The Valley Girls' Guide to Life sorti en 1982, une fille a cette phrase particulièrement révélatrice : "Etre populaire, c'est important. Sinon, les gens ne vous aimeront pas." C'est désarmant de naïveté adolescente mais aussi lourd de sens que l'ensemble des films de John Hughes réunis.
On en revient donc toujours à la même chose : le besoin d'être aimé. On dirait peut-être le titre d'une chanson de comédie musicale neuneu mais voilà pourquoi j'ai choisi de classer cet article dans ma rubrique Plaisirs Coupables. Tout ceci, ce phénomène, pourrait se résumer à une bonne blague d'artistes un peu arrogants, à des histoires de fringues, de produits de beauté, d'égocentrisme et de superficialité. Après tout, c'est l'image que les Valley Girls ont laissé dans la pop culture de la dernière décennie. Mais dire cela serait aussi superficiel que ce que ça entend résumer, le phénomène Valley Girl dans sa forme originelle ne parlant que d'une seule chose. Une unique chose appelée la mélancolie adolescente, teen angst comme diraient les Américains. Etre aimé. Trouver sa place dans le monde. Voilà ce que nous disent les Valley Girls.
Et cela, il y a un film qui nous l'a déjà dit, il y a bien longtemps. Ça s'appelle VALLEY GIRL. Ça date de 1983 à l'apogée du phénomène. C'était tourné en toute indépendance, loin d'Hollywood et de ses clichés, pour un budget ridicule (350 000 dollars) avec Nicolas Cage dans son tout premier rôle principal. Dans ce film, Julie, une Valley Girl typique, tombait amoureuse de Randy, un punk des bas quartiers. Et c'était COOL, très, très loin de Paris et ses copines...
La BO du film "Valley Girl" a l'air incroyable !!
RépondreSupprimerElle l'est ! ;-) Il y a même deux volumes qui ont été réédités en CD au milieu des années 90.
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